Écrire une chronique qui « dit vrai » sans tomber dans le jargon de spécialiste : voilà un art qui me tient à cœur. J’ai appris, au fil des écoutes et des concerts, qu’on peut être précis, sincère et utile sans ressembler à un lexique académique. Voici ma méthode, ce que je fais dans chaque chronique et quelques astuces pour que vos phrases sonnent juste — même si vous n’êtes pas ingénieur du son ou musicologue.
Pourquoi éviter le langage d’expert ?
Parce que votre lecteur n’est pas forcément venu chercher une masterclass technique, il veut une porte d’entrée. Il veut comprendre pourquoi il devrait lancer l’album, aller au concert ou fermer l’onglet. Le rôle d’une chronique n’est pas d’épater par des termes obscurs, mais de transmettre une expérience d’écoute. J’ai vu trop de textes où le vocabulaire technique remplace l’émotion : résultat, on perd le lecteur.
Ce que je fais avant d’écrire
Je n’écris pas après une seule écoute. Je laisse une chanson me surprendre, puis je la réécoute pour repérer ce qui revient, ce qui évolue. Pour un album complet, je procède souvent en trois temps :
Parfois j’utilise Bandcamp pour les crédits, Spotify pour la fluidité d’écoute, et Reaper ou Audacity si je veux isoler un passage (rarement utile pour une chronique grand-public, mais pratique pour repérer un riff ou un break). Ces outils aident, ils ne remplacent pas l’oreille.
Structure simple et efficace
Je me suis organisée autour d’une structure qui fonctionne à chaque fois. Elle facilite l’écriture et la lecture :
Ce format évite le fouillis et permet au lecteur de trouver facilement ce qu’il cherche. Le verdict n’est pas un « bon/mauvais » binaire mais une aide : je précise le public, la situation d’écoute (apéro, trajets, écoute concentrée) et le degré d’originalité.
Parler de technique sans jargon
Quand il faut évoquer un élément technique (mix, production, batterie, guitare), je remplace les mots savants par des images ou des comparaisons concrètes. Par exemple :
Cela aide le lecteur à imaginer. Si j’emploie un terme technique, je l’accompagne d’une explication brève : « l’attaque de la caisse claire est courte (on sent le coup net, pas de traînée sonore) ». Pas besoin d’en faire un cours — juste une traduction en sensations.
Questions que se posent souvent les lecteurs (et comment j’y réponds)
| Question | Réponse type dans la chronique |
|---|---|
| « À quoi ça ressemble ? » | Comparaisons musicales et images sensorielles : « guitare granuleuse à la Nick Cave, chant fragile comme une veille radio ». |
| « Est-ce original ? » | J’explique si l’album réarrange des codes connus ou s’inscrit dans une continuité — et pourquoi cela compte. |
| « Est-ce pour moi ? » | Je précise le public cible : fans de post-rock nocturne, amateur·rice·s de punk lo-fi, etc. |
| « Est-ce bien produit ? » | J’indique si la production sert l’émotion ou la gêne — et donne un exemple concret (un passage où la production change l’impact). |
Les phrases qui fonctionnent
Voici quelques tournures que j’utilise souvent, parce qu’elles disent beaucoup sans alourdir :
Ces formules rendent la critique utile et transférable. Elles donnent au lecteur des repères concrets plutôt que des jugements vagues.
Garder la sincérité — et assumer ses goûts
Je dis ce que j’aime et pourquoi. Mais j’essaie aussi d’écouter le projet selon ses propres règles. Si un disque est volontairement lo-fi, je ne vais pas le réduire pour un manque de production; je vais juger si cette esthétique fonctionne. Dire « je n’ai pas accroché » est légitime, mais j’explique la raison : trop de redondance, voix qui m’échappe, absence de relief, etc.
Exemples concrets — format court
Plutôt que de rester dans la théorie, voici deux mini-extraits de chroniques que j’ai écrites (réinventés pour l’exercice) :
Trucs pratiques pour s’améliorer
Quelques exercices que je recommande pour quiconque veut écrire des chroniques plus justes :
Le ton : ni froid ni potin
Je cherche un ton qui combine proximité et sérieux. On peut plaisanter, mais sans traiter la musique comme un sujet de ragot. J’évite l’excès d’ironie qui masque la pauvreté d’argument : si vous moquez, expliquez. Si vous encensez, dites pourquoi. Les lecteurs sentent vite l’authenticité.
Écrire une chronique qui dit vrai, finalement, c’est accepter d’être un filtre humain : on traduit une sensation, on la met en mots, on oriente sans imposer. Ce n’est pas prétendre tout savoir, mais aider quelqu’un à choisir une prochaine écoute — et peut-être lui permettre de tomber amoureux·se d’un album qu’il n’aurait jamais découvert autrement.