Pourquoi préparer ses oreilles ?
J'ai vécu suffisamment de festivals pour savoir que la fatigue auditive n'arrive pas toujours au dernier jour : parfois elle tape dès le deuxième set et te suit comme une nuée désagréable pendant des semaines. On parle souvent de se préparer physiquement (chaussures confortables, gourde, crème solaire), mais la préparation auditive est trop souvent reléguée au « on verra sur place ». Sauf que la "cassure" — acouphènes, bourdonnements, sensibilité accrue au bruit — peut t'empêcher de profiter de la musique que tu aimes pendant des mois. Alors voilà ma méthode, pragmatique et testée, pour arriver à un festival de plusieurs jours sans finir cassé·e.
Avant le festival : entraîner et protéger
Quelques semaines avant, je réduis volontairement les écoutes à fort volume quand je travaille ou que j'écoute de la musique à la maison. Ça peut sembler contraignant, mais diminuer l'exposition cumulative permet à tes oreilles d'avoir une réserve avant l'intensité du festival.
- Fais un check-up : si tu as déjà des acouphènes, une perte auditive ou des sensibilités, prends rendez-vous chez un ORL. Un bilan basique ne prend pas longtemps et peut te donner des conseils personnalisés.
- Éduque-toi sur les niveaux sonores : 85 dB est souvent cité comme seuil de vigilance sur une durée prolongée. À 100 dB, quelques minutes suffisent pour accumuler des dommages.
- Investis dans de bons bouchons : il existe plusieurs types — bouchons en mousse, bouchons filtrants (ex. EarPeace, Alpine PartyPlug) ou bouchons sur mesure. Pour les festivals, je préfère les bouchons filtrants : ils atténuent le volume sans écraser les fréquences, ce qui préserve la qualité d'écoute.
- Teste ton équipement : si tu vas utiliser des bouchons sur mesure, fais-les faire à l'avance et porte-les quelques jours avant l'événement pour t'habituer.
Que mettre dans ton sac à dos sonore
Voici la liste que je prépare systématiquement — tu peux l'imprimer mentalement et l'ajuster selon le festival :
- Une paire de bouchons filtrants de rechange (ou un petit étui pour les bouchons sur mesure).
- Des bouchons mousse d'urgence (au cas où).
- Des bouchons d'oreille à atténuation variable ou des casques antibruit (pour les temps hors scène, si tu veux te reposer entre deux sets).
- Des écouteurs intra-auriculaires de qualité si tu veux écouter quelque chose en pause — jamais à volume fort.
- Un petit spray nasal salin et du paracétamol (souvent utile pour le confort général).
- Un carnet ou une appli pour noter l'heure et la durée des sets (utile pour estimer ton exposition) et noter si tu ressens des symptômes.
Sur place : stratégies pendant les concerts
Ici, l'idée n'est pas de se priver de magie sonore, mais de gérer ton exposition.
- Position stratégique : si tu tiens à être près de la scène, essaie de rester légèrement en retrait du centre. Les flancs du public sont souvent moins agressifs en matière de niveau sonore. Les murs et obstacles peuvent aussi renvoyer moins d'onde directe.
- Alterne : planifie des pauses auditive entre les sets. Si tu as un camping, utilise ces temps pour t'isoler dans un endroit plus calme 20–30 minutes toutes les 2 heures.
- Utilise les bouchons : mets-les dès que le spectacle commence et garde-les pendant tout le set. Tu perdras un peu d'effet « chair de poule » mais gagneras en clarté sur la structure du son : les bouchons filtrants font souvent mieux ressortir les voix.
- Évite les sommets : si tu sens que le son devient trop agressif (à la gorge, aux dents ou aux tempes), éloigne-toi. Parfois 10–20 mètres suffisent à réduire significativement l'impact.
- Hydrate-toi : l'hydratation aide au confort général et diminue la fatigue. Ça n'empêche pas l'exposition auditive, mais tu passes mieux les longues journées.
- Gère la consommation d'alcool et drogues : elles diminuent ta capacité à juger le volume et à te protéger. Rester lucide aide à appliquer les bonnes pratiques.
Les moments creux sont des opportunités
Entre deux sets, je cherche volontairement un endroit calme : une zone backstgae ouverte au public, une allée moins fréquentée, ou simplement mon coin de camping. Utiliser un casque antibruit (ou des bouchons) quelques dizaines de minutes permet à l'oreille de récupérer et de diminuer l'accumulation d'exposition. Pense à ces pauses comme à des mini-sièges réparateurs pour tes oreilles.
Savoir repérer les signaux d'alerte
Ne minimise pas les signes suivants :
- Bourdonnements ou sifflements persistants après un concert (acouphènes).
- Perception « étouffée » ou difficulté à comprendre une conversation après être sorti·e de la zone de concert.
- Sensibilité accrue au bruit pendant quelques jours.
Si l'un de ces symptômes persiste plus de 48–72 heures, consulte un professionnel. Plus tu attends, moins les probabilités de récupération complète sont certaines.
Gérer la récupération entre les journées
Après une journée intense, j'ai trois rituels simples :
- Silence réel : éviter les écoutes prolongées (podcasts à fond, discussions bruyantes) pendant la soirée. Je privilégie des moments de calme.
- Sommeil de qualité : le repos nocturne est le meilleur réparateur. J'essaie de dormir tôt les soirs où je sens que j'ai trop poussé.
- Alimentation : des repas équilibrés et suffisamment de magnésium peuvent aider à la récupération nerveuse (bananes, légumes verts, oléagineux).
Technologie et accessoires utiles
Quelques outils m'ont vraiment aidée :
- Applications de mesure : des apps comme SoundMeter ou Decibel X donnent une idée des niveaux, même si elles ne sont pas parfaites. Elles permettent de repérer les zones problématiques.
- Casques antibruit actives : pour les temps de pause, des modèles comme Bose QC ou Sony WH-1000XM sont parfaits pour créer un cocon calme.
- Bouchons filtrants de qualité : j'ai longtemps utilisé EarPeace et Alpine; ils sont confortables et respectent mieux le spectre sonore que les mousses.
Petites routines préventives que j'applique
Rien d'extraordinaire, mais ces gestes quotidiens limitent l'usure :
- Limiter les écoutes fortes les jours précédant le festival.
- Porter des bouchons dès que tu entends que le son devient inconfortable.
- Faire des pauses régulières et profiter des temps calmes pour réellement te reposer.
- Surveiller les symptômes et ne pas attendre pour demander de l'aide si nécessaire.
Et si malgré tout tu sens que c'est allé trop loin ?
Ne stresse pas en silence : contacte un ORL. Ils peuvent proposer des solutions, du repos conseillé à des traitements adaptés. Évite les conseils de groupe non professionnels, et privilégie une prise en charge rapide si les symptômes persistent.
Le but n'est pas d'arriver aseptisé·e à un festival, mais d'en sortir avec des oreilles qui continueront de te permettre d'écouter ce que tu aimes. J'ai appris que la musique ne gagne rien si on la saccage au passage. Alors prends soin de tes oreilles — elles sont, littéralement, la clef de ton plaisir.